Le changement de décor est plus que violent …
Il y a un peu moins de 2 ans, les familles haïtiennes assuraient le spectacle autour des pelouses, tandis que de jeunes joueuses portaient fièrement les couleurs d’Haïti dans le cadre de la Coupe du Monde U20 2018.
Aujourd’hui, l’heure n’est plus à la fête. Le journal britannique, The Guardian, a donné la parole, il y a quelques jours, à plusieurs jeunes joueuses, qui se sont exprimées sous couvert d’anonymat. Elles dénoncent des faits d’agressions sexuelles, à répétition, perpétués par le Président de leur Fédération, Yves Jean-Bart.
Pression, menaces et intimidation, voilà le quotidien auquel les joueuses
auraient droit depuis quelques années. En permanence, la peur aurait été utilisée. Cette peur d’être exclue du centre et de voir ses espoirs de carrière s’envoler en quelques secondes.
« Ces filles qui vivent au centre de la FIFA… c’est vraiment dommage car elles veulent jouer pour le pays mais si elles parlent de cette situation, elles seront licenciées. Ce sont des otages. »
Témoin, sous couvert d’anonymat
Mais aussi la peur de parler. Cette libération de parole pourrait également donner lieu à des répercussions qui font craindre le pire aux joueuses et à leur entourage.
« Elle a été mise sous pression pour ne pas parler. »
Ancienne joueuse du centre, sous couvert d’anonymat
« J’ai tellement peur. Dadou Jean-Bart est une personne très dangereuse. Il y a beaucoup de gens qui veulent parler mais ils ont tellement peur, surtout pour les parents qui sont toujours en Haïti. »
Victime présumée, sous couvert d’anonymat
Cela pourrait concerner joueurs comme joueuses, et certaines auraient même été contraintes d’avorter.
La Fédération Haïtienne assure n’avoir jamais reçu aucune plainte, mais affirme avoir pris « des allégations aussi graves très au sérieux ».
Le Président, lui, nie toutes les accusations et assure que ce ne sont que des tentatives de déstabilisation ayant pour but de l’évincer de la Fédération.
« Je n’encouragerais pas de telles pratiques dans le football haïtien, encore moins dans le centre qui est sous ma responsabilité. S’il y avait de tels cas, j’encouragerais les victimes à porter plainte auprès de la fédération et des autorités judiciaires du pays. Nous sommes prêts, au niveau de la fédération, à les soutenir. »
Yves Jean-Bart, Président de la Fédération Haïtienne
Président depuis l’année 2000, Jean-Bart et plus largement la Fédération ne s’est jamais conformée aux recommandations de la FIFA, qui souhaite limiter le nombre maximum de mandats à la Présidence des Fédérations, à 3.
Les agressions auraient toutes lieu au même endroit, au sein même du centre technique national. Un centre où les conditions de vie seraient déplorables et qui poserait lui-même de nombreux problèmes au quotidien …
« La dernière fois que j’y ai mis les pieds, je voulais vomir »
« C’est méprisable. Dix enfants dorment dans chaque chambre, il n’y a pas de draps, pas de toilettes propres. C’est inimaginable. Où est passé l’argent ? La fédération a reçu des millions, et elle n’a même pas acheté de draps. »
« Ce centre est un cauchemar. Les inspecteurs de la FIFA sont venus, nous pensions qu’ils allaient dire quelque chose, mais cela ne s’est pas produit. C’est impossible. Comment peuvent-ils ne rien dire ? Les jeunes n’ont pas de suivi médical, ils mangent tous les jours la même chose – riz, pâtes, bananes, poulet – boivent de l’eau que vous ne boiriez jamais et en attendant les officiels de la FA ont leur propre médecin et organisent des banquets. C’est obscène. »
Ancien entraîneur, sous couvert d’anonymat
The Guardian rapporte que la FIFA a engagé des discussions avec la Fédération Haïtienne afin de contrôler que les fonds versés soient utilisés pour garantir des infrastructures et des conditions de vie décentes aux jeunes en formation.
Le monde du sport féminin se trouve encore une fois au cœur de cette noire actualité. Après les révélations des gymnastes américaines, mais aussi des patineuses françaises plus tôt dans l’année, le football pourrait être la prochaine discipline touchée, et les terres haïtiennes le prochain territoire de révolte.