La bataille entre les double-championnes du monde et leur fédération pour l’égalité de salaire s’est accélérée contraignant Carlos Cordeiro, président de l’US Soccer Federation (USSF), à démissionner.
Un conflit de longue date
En lutte depuis 2015, les joueuses américaines défendues par l’USWNT Players Association (USWNTPA) ont porté plainte contre l’USFF en mars 2019 pour discrimination sexuelle. Le procès se tiendra le 5 mai prochain. L’USWNT a fixé le règlement de son procès à 67 millions de dollars. Un somme contestée par Carlos Codeiro qui déclarait que l’équipe et ses avocats exigeaient en fait des dizaines de millions de dollars supplémentaires.
Ce 7 mars 2020, en pleine SheBelieves Cup, l’USSF a publié un communiqué mentionnant, entre autres, des primes et compensations identiques en plus d’« une rémunération identique pour nos joueuses et joueurs lors des matches contrôlés par US Soccer » dans l’objectif de ne pas passer au tribunal. Des promesses mensongères pour le syndicat de la sélection féminine américaine (USWNTPA).
L’égalité des sexes rejetée par la fédération américaine de soccer
La proposition du président de l’USFF devait être validée par les avocats et la défense de la fédération, mais cette initiative a fait un tollé auprès du comité, avançant les arguments scientifiques, puis de concurrence.
Les avocats de la fédération ont fait valoir qu’il fallait plus de compétence, d’aptitude et de responsabilité pour jouer pour la sélection masculine que dans la sélection féminine. De même, ils ont défendu l’idée qu’un international masculin doit avoir un niveau plus élevé, notamment plus de vitesse et plus de force. Le discours scientifique est le suivant.
L’aptitude globale de jouer au football requise pour intégrer la sélection masculine est matériellement influencée par le niveau de certains attributs physiques, comme la vitesse et la force. Le rapport cite également une étude indiquant un écart de performance de 10 à 12% entre les athlètes masculins et féminins.
USSF
La défense a poursuivi sur l’argument d’une concurrence plus rude chez les masculins que chez les féminines. La réponse des avocats se résumait en un point : il existe un écart dans la «capacité globale de jouer au football.»
Les réactions se multiplient
Une réponse qui a provoqué la colère de toutes les parties, les joueuses en premier plan. À l’initiative de l’USWNTPA, les joueuses ont retourné leur maillot au moment de leur entrée sur la pelouse de manière à masquer le logo de la fédération mais tout de même de laisser apparaître les 4 étoiles, symbole des 4 titres de championnes du monde conquis après tant de travail.
A l’issue de la rencontre, Megan Rapinoe a critiqué la misogynie et le sexisme flagrants de la fédération. Elle évoquait aussi les droits des femmes en cette semaine si particulière.
Si c’est comme ça que vous voulez célébrer la Journée internationale de la Femme et montrer votre soutien non seulement à vos joueuses mais aussi aux futures joueuses et filles du monde entier, « c’est une certaine façon de le faire.
Megan Rapinoe
L’USWNTPA s’est également révolté face à la situation et sa porte-parole attend impatiemment le procès.
Tout le monde comprend qu’un argument selon lequel les joueurs ont plus de responsabilités [que les joueuses] est tout simplement du sexisme simple et illustre la discrimination sexuelle même qui nous a amenés à engager cette action en justice. Alors j’ai hâte d’être jugée le 5 mai.
Molly Levinson, porte-parole de l’USWNT Players Association.
Même les sponsors de l’USWNT – Coca-Cola, Budweiser, Visa, Deloitte – ont réagi face à cette débâcle, Wolkswagen en tête de cortège s’avouant dégoûté par ces prises de position inacceptables de la part de la fédération américaine de soccer. Nike, pourtant principal sponsor de la sélection, n’a pas commenté le dossier.
Son président Carlos Codeiro déclarait ne pas avoir « eu la possibilité d’examiner pleinement le dossier dans son intégralité avant qu’il ne soit soumis.» Il poursuivait par des excuses.
Au nom d’US Soccer, je m’excuse sincèrement pour l’infraction et la douleur causées par le langage dans le dossier judiciaire de cette semaine, qui ne reflétait pas les valeurs de notre fédération et notre immense admiration pour notre équipe nationale féminine.
Carlos Codeiro
Une démission forcée
Président de l’USSF depuis 2018 et au cœur d’un scandale sans précédents, Carlos Cordeiro a annoncé sa démission, trois jours après la réponse de l’USFF. C’est la vice-présidente de la fédération et ancienne internationale amércaine, Cindy Parlow Cone qui prendra le relais jusqu’en février 2021.
Ma seule et unique mission a toujours été de faire ce qui est le mieux pour notre Fédération, et il m’est devenu clair que ce qui est le mieux actuellement, c’est une nouvelle direction.
Carlos Codeiro
Parlow a déclaré être « blessée et attristée par le bref dossier déposé par l’USSF » et désavoue ses « déclarations troublantes ».
La direction prise par la fédération américaine de soccer pourrait être amenée à évoluer avec une ancienne joueuse à sa tête. Le procès du 5 mai sera déterminant.