L’histoire et le contexte politique si particuliers du pays ont fait de la Frauen-Bundesliga ce qu’elle est aujourd’hui : rigueur, dureté et excellence.
Lotte Specht et la genèse du football féminin allemand :
Contrairement en l’Angleterre ou en France, le football féminin n’a pas connu le même pic en Allemagne. Néanmoins, des étudiantes allemandes ont organisé des premiers matchs de football féminin dès 1922 tandis que la presse a mentionné pour la première fois un résultat féminin en 1927 : une équipe de Munich battait une équipe berlinoise 2 à 1.
Le football féminin allemand franchissait son premier palier en 1930. Charlotte « Lotte » Specht annonçait dans le Frankfurter Nachrichten, la création du premier club féminin allemand, à Francfort.
Nous pouvons faire ce que les hommes peuvent faire.
Lotte Specht / Frankfurter Nachrichten, 1930
Cependant, l’équipe ne pouvait jouer que contre des équipes masculines faute d’adversaires féminines. Le club francfortois ne bénéficiait d’aucun soutien, ni de la société dont les hommes qui leur jetaient des pierres pendant leurs entrainements, ni de la fédération allemande de football (DFB). Le projet de Lotte Specht n’aura duré qu’une seule saison.
Cette personnalité historique dans le développement du football féminin allemand est honorée, un siècle plus tard, par le prix Lotte Specht d’une valeur de 1 500 euros qui récompense l’engagement des femmes dans le football féminin en Allemagne par leur persévérance, confiance en soi et créativité. Tina Theune, internationale allemande sextuple championne d’Europe et championne du monde en 2003 en est la dernière lauréate en date. https://www.lotte-fussballpreis.de/
L’après-guerre et la lutte sans précédents pour le football féminin en Allemagne :
La montée du nazisme en Allemagne empêchait toute implantation du football féminin dans le pays ; le sport était important mais ne convenait pas aux femmes. Tandis que la Seconde Guerre Mondiale n’offrait aucune possibilité au football féminin d’émerger. L’Armistice signée, l’Allemagne vivait dans un contexte politique et en 1955, la DFB a interdit aux clubs lui étant affiliés de créer des équipes féminines et ou seulement même leur fournir les infrastructures nécessaires – plus généralement l’interdiction aux femmes de jouer au football – pour des raisons quelque peu contestables.
Dans la lutte pour le ballon, la grâce féminine disparaît, le corps et l’âme subissent inévitablement des dommages et l’affichage du corps viole la dignité et la décence.
Fédération Allemande de Football , 1955
Néanmoins, les femmes allemandes, d’abord en RFA (Allemagne de l’Ouest) ont continué à jouer malgré les directives de la DFB. L’Association Ouest-Allemande de football féminin (WDPV) était créée en 1956 et pas moins de 20 clubs de RFA l’ont rejoint. Le 21 septembre 1956, une sélection de la RFA organisait un match international non-reconnu face à une sélection néerlandaise : une victoire 2-1 devant 18 000 personnes à Essen qui voyait Lotti Beckmann devenir la première buteuse de l’histoire de la sélection allemande.
Une deuxième confrontation (victoire 4-2 de la RFA) s’est tenue le 16 mars 1957 à Munich avec 17 000 spectateurs, dont des hommes toutefois peu intéressés. En novembre de la même année, la sélection participait à un championnat d’Europe officieux à Berlin, perdu 4-0 en finale face aux Anglaises. La fédération très indignée par ces événements a répondu très durement.
Vous nous avez poignardé dans le dos dans notre lutte contre le football féminin.
Fédération Allemande de Football, 1957
Le relatif succès du football féminin en RFA a permis d’une part, la création de plus en plus de clubs dans le sud et l’ouest du pays comme le FC Kicker Oberhausen et le Fortuna Dortmund et d’autre part, l’éclosion de la pratique en RDA (Allemagne de l’Est) et la création de la première équipe féminine de RDA, le BSG Empor Mitte-Dresde en 1968.
Une première victoire en 1970 :
Surnommée « le miracle de Travemünde », la réunion de la fédération allemande de football du 30 octobre 1970 a vu cette dernière lever l’interdiction de la pratique aux femmes. C’est officiel, les femmes en Allemagne peuvent jouer au football ! Pourtant, le comité ne cache pas sa réticence à l’image de Gerd Müller, célèbre attaquant allemand qui expliquait que les femmes devraient plutôt cuisiner que donner des coups de pied. De plus, les règles étaient adaptées aux femmes comme un terrain plus petit, un temps de jeu réduit à 70 minutes (80 minutes par la suite), l’autorisation de faire main pour se protéger (visage, poitrine…) ou encore l’interdiction de jouer sous moins de 5°C. Les Allemandes aiment le football et la RDA comptait plus de 150 clubs dès 1971.
La première édition du championnat d’Allemagne de football féminin s’est tenu en 1974 avec 16 équipes de RDA réparties en 4 poules de 4 selon la zone géographique. Les 4 vainqueurs de poules s’affrontaient ensuite en demi-finales tirées au sort, sur des rencontres aller-retour, puis les vainqueurs s’opposaient en finale, sur une rencontre unique. Le TuS Wörrstadt a été sacré premier champion d’Allemagne de football féminin après sa victoire 4-0 face au DJK Eintracht Aulne. Dès l’année suivante, le système de poules sera abandonné pour un système à élimination directe où les rencontres sont tirées au sort. En 1977, Hannelore Ratzburg, consultante pour le football féminin a permis d’introduire la Länderspokal (littéralement Coupe d’Etat, ici championnat régionale) et le DFB-Pokal, la Coupe d’Allemagne.
La RDA, un peu en retard, lançait son championnat féminin en 1979 sous forme de mini-championnat et les 2 premiers qui s’affrontent sur match aller-retour pour déterminer le champion. C’est le Motor Mitte Karl-Marx-Stadt qui a remporté le premier championnat face au BSG Aufbau Dresden-Ost.
Le succès de la sélection allemande comme point de bascule :
L’Allemagne a été sacrée championne d’Europe pour la première fois de son histoire en 1989 à domicile après une victoire 4-1 sur la Norvège (Ursula Hohn, Heidi Mohr et Angelika Fehrmann buteuses).
La DFB a voté la création de la Frauen-Bundesliga sur le modèle de la Bundesliga Masculine. La saison 1990/91 a vu 20 membres fondateurs : le Fortuna Sachsenross Hannover, SC Poppenbüttel, Schmalfelder SV, SV Wilhelmshaven, VfR Eintracht Wolfsburg, SSG Bergisch Gladbach, KBC Duisburg, VfB Rheine, TSV Siegen, 1. FC Neukölln, FSV Frankfurt, SG Praunheim, SC 07 Bad Neuenahr, VfR 09 Saarbrücken, TuS Niederkirchen, SC Klinge Seckach, TuS Binzen, VfL Sindelfingen , VfL Ulm / Neu-Ulm, et le Bayern München, tous issus de l’ex-RFA.
Le format du championnat divisait les 20 équipes dans 2 poules : Nord et Sud où les 2 premiers de chaque poule s’affrontaient en demi-finales, puis les vainqueurs en finale. Le TSV Siegen et une certaine Silvia Neid ont remporté les 3 premières éditions de la Frauen-Bundesliga en 1990, 1991 et 1992.
L’ex-RDA, quant à elle, traversait une période difficile, plan sportif compris, après la réunification des 2 Allemagnes. Les clubs de Jena et de Potsdam (aujourd’hui en première division) ont intégré le championnat lors de l’édition 1991-92. Un troisième club d’ex RDA, Wissmuth (aujourd’hui en 3ème division allemande) a par la suite réussi à intégrer la Frauen-Bundesliga.
Depuis la saison 1992-93, les matchs de Frauen-Bundesliga se disputent en 90 minutes contre 80 minutes précédemment.
Saison 1997-98 : un championnat unique à 12 équipes :
L’actuel format de la Frauen-Bundesliga existe depuis la saison 1997-98. Le championnat a été réduit à 12 équipes afin de réduire les écarts de niveau entre les clubs. Le FSV Frankfurt (aujourd’hui dans les tréfonds de la Südwest Regionalliga) a remporté le premier acte de ce championnat à poule unique.
La Frauen-Bundesliga a été renommée Allianz Frauen-Bundesliga de 2014 à 2018. L’entreprise donnait alors 100 000 euros aux 12 équipes et ce, à chaque saison. Flyeralarm a dernièrement acquis les droits du championnat en 2019 jusqu’en 2023.